Pour fêter le printemps nous avons décidé

Jacques, Françoise et moi, Josette et puis Dédé

D’aller nous abreuver aux fontaines de vie

Qui parsèment nos rues et font crever d’envie

Les cuistres desséchés, les rabat-joie polis

Qu’un verre partagé fait sauter au plafond

Comme si quelque diable en tapissait le fond.

Nos fontaines de vie portent des noms jolis :

L’Auberge des Sans-Soif, le Café des Éponges,

Le Pub des Valeureux, l’Estaminet des Anges.

Pour fêter l’occasion, nous avons revêtu

Qui son costume d’ours, qui son brillant tutu.

Dédé voulait sortir en costume d’Adam

Et montrer aux passants ses fesses misérables

Pour qu’on lui fasse don de quelques sous minables.

Il y a renoncé, car le froid est mordant.

Je portais quant à moi une bure de moine.

Toujours, je me suis pris pour quelque saint Antoine

Que tente sans vergogne un démon généreux.

Il répète à l’envi pour me martyriser :

«Ne bois jamais de l’eau si tu veux vivre heureux !

Aux tisanes, aux thés, préfère le rosé !»

De bistrot en bistrot nous allons titubants,

Nous frayant un chemin dans la foule masquée

De ce carnaval fou plein de gentils toqués

Qui dansent dans la rue et dorment sur les bancs

Quand ils ont abusé de bière et de vin rouge

Dans les bars alléchants et les infâmes bouges.

Nous buvons, nous mangeons, mais surtout nous dansons,

Emmêlant nos pinceaux dans la foule en folie.

A en perdre la voix, nous braillons des chansons

Le dément carnaval, mon Dieu que c’est joli !

Demain nous dormirons jusqu’à midi sonné

En remerciant Dieu de nous avoir donné

Avant que le Carême enferme nos esprits

Cette fête où l’on boit, où l’on danse, où l’on rit.