Marguerite adore passer les vacances chez ses grands-parents. Ils habitent une vieille maison à la campagne, entourée d’un jardin plein de merveilles. La petite aime la liberté dont elle peut y jouir. Comme c’est différent des contraintes de la ville, où la rue semble être pleine de dangers. « Attention, Marguerite, attends le feu vert ! » « Ne cours pas sur le trottoir, si jamais tu trébuches tu peux te faire écraser ! » « Ne parle pas aux inconnus !» Par contre, au village, qui ne compote que deux rues, les gens sourient lorsqu’elle la croisent et lui disent de jolis mots. Ici, tout le monde se connaît. Elle a le droit de dire bonjour et de sourire à son tour.

Certes, quand les parents remontent dans leur voiture et commencent à s’éloigner, de retour à leurs obligations professionnelles, Marguerite ressent un petit pincement au cœur. Mais il s’estompe vite dès que la voix de sa grand-mère lui annonce son gâteau préféré. En se tenant par la main, elles rentrent dans la cuisine, grand-père les suit. La petite fille se dit qu’elle n’oubliera jamais ni l’odeur que dégage cette tarte aux myrtilles ni la douceur de cette main accueillante.

Les jours se succèdent, avec un enchaînement d’émerveillements qui ne manquent jamais de se pointer. Marguerite raffole particulièrement du lever du jour. A la campagne, on se couche tôt, on se lève avec le soleil. Dès qu’elle a sauté du lit, après une bise rapide à grand-mère qui prépare le petit déjeuner, elle court faire les premières explorations du jour dans le jardin. Elle trouve toujours des nouveautés. Elle découvre une nouvelle pierre cachée derrière un buisson, des insectes laborieux sur le tronc d’un arbre, un oiseau qui commence à chauffer sa voix. Des fleurs qui étaient encore fermées le jour avant déploient paresseusement leurs pétales colorés. La nature s’étire et s’habille pour la journée. Elle est généreuse en couleurs, en odeurs, en textures, en créatures.

Marguerite s’extasie particulièrement devant les gouttes de rosée. C’est comme des bijoux. Si elle regarde bien, c’est tout un univers qu’elle y contemple. Elles sont miroitantes et énigmatiques.

Mais ce matin, un spectacle jamais vu la laisse stupéfaite : une araignée au centre d’une magnifique toile qui se déploie entre deux arbustes. La rosée perle les rayons de ce tissu mystérieux pendant que la reine est assise au centre, comme sur son trône, immobile, aux aguets. La petite est éblouie. Après quelques instants d’extase, elle réagit. « Grand-mère, grand-mère, viens vite voir ! Il y a une étoile d’araignée ! »

Grand-mère accourt à ses côtés. Les petit déjeuner les attend sur la table de la cuisine. Elle remercie Marguerite d’avoir partagé avec elle ce bijou de la couronne, et elle se dit qu’a partir d’aujourd’hui, elle aussi elle va nommer étoiles d’araignée ces merveilleux tissages que la lumière fait scintiller, avec ou sans rosée.