Je suis l’heureuse propriétaire d’un chalet de 1687. Propriétaire ? À l’instar de ce qu’affirme la publicité pour une montre de luxe, on ne possède pas une maison, elle nous est prêtée pour un temps, avant d’appartenir à la génération suivante.
Une maison en bois vieille de plus de trois siècles, c’est une aubaine pour les petites bêtes.
Au printemps, toutes les mouches qui ont hiberné entre les poutres se réveillent et copulent à cœur joie. En fait, je n’en sais rien, les mouches font-elles vraiment l’amour ? Je n’en suis pas sûre, mais toujours est-il qu’une myriade d’ailes noires courent sur les meubles et les vitres du salon. Sans état d’âme, je sors ma tapette de choc. Non pas une de ces tapettes modernes avec un système électrique qui grille aussitôt l’insecte qui a l’outrecuidance de s’en approcher. Non, une tapette traditionnelle avec une languette de cuir souple et efficace. Sur le manche, une inscription qui encourage le chasseur :
Morituri me salutant !
Mais les mouches ne sont pas les seuls hôtes — pardon, les seules hôtesses — de mon chalet.
J’ai surpris moult guêpes fébriles qui avaient fait leur nid derrière un volet et quelques cirons au travail dans un madrier – une fine sciure jaune qui ne trompe pas.
Mais celles qui s’installent chez moi toute l’année et qui prennent leurs aises, ce sont les araignées !
Celles-là, je ne les vois guère, mais je suis la témoin confuse et contrite de leur travail dans le manteau de la cheminée de ma cuisine. Une cheminée qui n’accueille plus de fumée depuis longtemps. Lessivée et fermée par un double vitrage, c’est un puits de lumière pour les habitants et un terrain de jeu pour les araignées ! Elles adorent adosser leur métier à tisser dans une encoignure ou à l’extrémité d’une poutre.
Chaque mois, je prends mon courage à deux mains ainsi qu’une perche de quatre mètres à laquelle j’accroche la brosse qui traquera les toiles.

Chaque mois, sauf en ce temps de l’avent. Dans la cuisine, j’ai installé des guirlandes et garni les vitres de flocons de papier. Photophores et bougies font une lumière toute douce. J’en suis tout imprégnée quand je lève les yeux vers la cheminée :

"Oh, une étoile d’araignée !"