Embrasse-moi,
Embrasse-moi longtemps.

Tu vois, j’ai mis ma robe de feu, les flammes étreignent mes cheveux, elles montent dans le ciel qui les appelle. Regarde toutes ces étincelles dans la nuit !
La lune est sur les eaux. Elle éclaire la roselière. Elle veille les libellules bleues, les carpes cachées sous les nénuphars, les fleurs de glais endormies. Elle enveloppe la tourbière d’un châle rèche et roux. Maintenant, elle se penche un peu plus, bienveillante, elle connait notre secret. Ne crains rien, emporte-moi.
Emmène -moi dans ce pays dont tu me parles depuis longtemps, cet endroit loin de tout, habité par le silence. Je veux toucher ce ruisseau qui coule à l’envers, cette terre brune où dort un lac violet. Je veux voir cette vallée où les cerisiers fleurissent les pieds dans l’eau, leurs pétales blancs emportés par les vagues. Nous nous coucherons sur la grève, à l’ombre des caramboliers. Nous serons seuls, nous serons bien. Tu me conduiras sur cette montagne inaccessible, emmêlée dans le ciel, ce morceau de soleil prisonnier des nuages. Emmène-moi !

Je touche ton beau visage. Un visage grave. Je plonge dans tes yeux noirs qui hésitent déjà. Tes bras sont comme des ailes figées dans ton dos.
Je t’ai cherché longtemps. Comme un chemin de lucioles, les étoiles ont jalonné mon voyage, elle ont nourri mon courage. J’avais tellement hâte de te retrouver.
J’ai mis ma robe de feu, je vole, je brûle… je tombe !

Je me réveille dans une étreinte de plumes. Le jour se lève, j’ai froid. Derrière les carreaux, la lune sourit.