Le silence me réveille un matin de neige. Une présence palpable derrière la vitre. Le son du silence comme le chantent Simon and Garfunkel. La sensation d’appartenir au monde.

Le silence révèle le son. Comme dans ce concert au Cully jazz, l’autre soir, où les musiciens s’arrêtaient plusieurs fois en plein morceau, les mains suspendues au-dessus de leur instrument. La surprise — l’attente — le doute — l’envie que le son revienne — le plaisir. Un silence habité, qui donne de la valeur à ce qui vient. J’ai pensé à la musique de nos conversations entre amis, à toutes ces pauses qui manquent pour intégrer ce que l’on entend. Des silences pour laisser infuser.

Le silence berce mes pensées. Il ziguezague dans ma tête, entre les bribes de mon discours intérieur. Le silence s’insinue entre nous deux, bute sur quelques monosyllabes. Un terreau pour les malentendus. Le silence chauffe nos mains qui se cherchent. Il se laisse suspendre un instant :
- Tu n’as rien à me dire ?
- Oh, je suis désolé…

Le silence zèbre la forêt :
Une rayure de vert
Une rayure d’azur
Une rayure de silence
Une rayure d’oiseaux
Je marche. J’écoute. Un craquement puis plus rien Le silence enveloppe les branches des mélèzes, jusqu’à la cime. Je m’assieds sur une souche. Je ferme les yeux. Je guette. Le silence monte de la terre, traverse mon tronc, inonde l’aubier, touche au cœur. L’écorce frémit. Ma sève circule. Je vis.

Le silence se brise, après beaucoup d’années parfois. Comme pour ce médecin retraité, candidat au conseil d’État genevois qui aurait court-circuité un don d’organe au bénéfice d’un riche patient des Émirats. Pendant dix-sept ans, le silence a étouffé l’affaire. Un tapis de plomb. La peur, le manque de courage qui fait que l’on se tait.

Le silence se dit par la bouche de cette petite fille – qui zézaille encore un peu :
"Le silence, c’est du son qui ne fait pas de bruit."