Thème : le parking des amnésiques

Défaut de mémoire

Souviens-toi d’oublier, cet adage de Nietzsche évoque un paradoxe juché dans l’inconscient.

Enfuir dans un trou de mémoire souvenirs et passé est un acte dont le patient, je ne sais si le terme est adéquat, n’est pas averti. En réalité, l’étymologie de patient vient de pâtir, ancien sens de souffrir. Donc le malade dans le langage contemporain.

Avant de savoir dans quel parking on mettra les amnésiques, ensuite les vieux, amnésiques ou non, il faut discourir du fond du problème. Les containers destinés à recueillir les déchets organiques sont déjà passablement nombreux et bien étiquetés. Pour les animaux il existe des cages. Les hôpitaux accepteront-ils de créer des sortes de lieux pour les amnésiques ?

Mais qu’est-ce qu’un.e amnésique ? J’ai de récentes informations à ce sujet. On en rencontre partout. Dans une grande surface, comme on dit en France, je vois une dame qui regarde autour d’elle sans se mouvoir et me dit : je ne sais pas ce que je veux. Elle a une liste à la main. Je l’aide en lui disant qu’elle en a parfaitement le droit et autres consolations vaines. Nous nous mettons de côté pour ne pas gêner les consommateurs – ceux qui savent ce qu’ils veulent – mais leur conversation est moins intéressante. On parle bien sûr de mémoire. La sienne est chancelante, mais elle me dit qu’elle finit toujours par trouver ce qu’elle ne cherche pas. Nous parlons de nos origines, elle se souvient très bien de la sienne. Et voilà que nous parlons littérature et philosophie suite à ma citation de Nietzsche sur l’utilité de l’oubli.

En neuroscience, la recherche a découvert que le « bavardage des pensées » est infini. Donc, en termes de données électroniques, je ne sais, mais cela fait une quantité considérable pour l’humain. Et la recommandation nietzschéenne est à sa place pour méditer et recouvrir de l’espace pour du neuf. Une sorte de parking pour l’amnésie.

Je reviens à la dame et ses soucis de mémoire, peut-être une lassitude de ses pensées automatiques, elle me donne son numéro de téléphone pour lui envoyer le selfie qu’on a fait ensemble. Mon message avec la photo est revenu… Elle avait sans doute oublié ou mal lu son numéro de téléphone.

Alors les parkings des amnésiques… l’avenir est au hasard comme a dit le poète.

Sima Dakkus Rassoul
Dissident de la pleine lune
21 octobre 2024